
Au-delà de la définition: le chemin vers la liberté authentique
Cet article poursuit la réflexion entamée dans notre exploration de la définition de Soi. Si vous définir est nécessaire pour déterminer en conscience ce qui vous anime et vous fait vibrer, l'identification concerne plus profondément la question de "à qui ou à quoi vous vous identifiez". Cette distinction est cruciale car elle détermine votre degré réel de liberté – c'est la dimension "libre" du libre-choix que nous avons abordé précédemment.
En kinésithérapie psycho-corporelle, nous observons quotidiennement comment l'identification détermine non seulement nos schémas mentaux mais aussi nos schémas corporels. Le corps exprime fidèlement nos identifications profondes à travers ses tensions, ses postures et ses mouvements caractéristiques. C'est pourquoi un travail sur l'identification au Soi transforme fondamentalement l'expression physique de notre être.
La prison invisible: l'identification conventionnelle
L'identification telle qu'elle est communément admise constitue peut-être la prison la plus subtile et la plus efficace qui soit. Vous avez été habitué à vous sentir "libre" au sein même de cette prison, si bien que tout vous semble normal. Si vous souffrez, vous l'attribuez à la fatalité ou à un besoin de soins ponctuels, sans remettre en question la structure même de cette identification restrictive.
J'aimerais, à travers cet article, entrouvrir quelques fenêtres dans votre conscience corporelle vers un espace de liberté considérablement plus vaste. Ce processus commence par la reconnaissance des différentes couches d'identification qui limitent votre expérience authentique.
Les quatre prisons de l'identification conventionnelle
1. L'identification par sens commun: la tyrannie de la chronologie
Depuis votre plus jeune âge, vous avez appris à vous identifier à un personnage qui serait la résultante d'une suite linéaire d'événements. Selon cette vision, vous seriez aujourd'hui la somme de tout ce que vous avez vécu. Chaque expérience se serait accumulée au fil du temps pour constituer votre identité.
Cette identification commence par votre lignée: vous vous identifiez et êtes identifié par les autres à travers vos traditions, vos rituels de vie, vos origines génétiques connues, votre famille élargie. Vous devenez "le fils ou la fille de", originaire de tel endroit. Souvent, votre prénom disparaît complètement au profit de cette filiation.
Si vos parents jouissent d'une réputation positive, cette identification prend une coloration favorable. Dans le cas contraire, vous êtes catalogué comme ordinaire ou, dans le pire des cas, comme "le fils ou la fille de personnes peu recommandables".
Cette étiquette, selon les conventions sociales, est censée vous accompagner toute votre vie, créant une identification permanente à des circonstances qui ne reflètent en rien votre essence véritable.
Dans ma pratique de kinésithérapie psycho-corporelle, je constate souvent que cette identification se manifeste physiquement par des schémas posturaux hérités – comme si le corps lui-même cherchait à se conformer à cette appartenance lignagère.
2. L'identification par l'affect: la prison des liens émotionnels
Depuis votre conception, vous avez expérimenté des émotions, des réactions biochimiques, des attirances et répulsions électromagnétiques, des attachements et détachements, diverses formes de dépendance et d'interdépendance. Ces mécanismes sont effectivement inscrits dans la physiologie humaine.
Ainsi, vous vous êtes identifié et êtes identifié par les autres selon votre statut affectif: marié, célibataire, divorcé, avec ou sans enfants. Vous portez l'empreinte de vos histoires amoureuses, qu'elles aient été heureuses ou douloureuses. Vous vous définissez comme partenaire, parfois comme victime de manipulations ou de violences, comme séparé douloureusement ou sagement, comme conjoint stable ou comme parent.
Toutes ces expériences semblent gravées dans votre histoire personnelle, définissant qui vous "êtes" en fonction de ce que vous avez vécu sur le plan affectif.
Cette identification crée un sentiment d'appartenance: vous appartenez à l'autre et l'autre vous appartient. "Mon mari", "ma femme", "mon fils", "ma fille", "mon ex"... votre identité, liée à votre histoire affective, vous enchaîne à autrui par des liens puissants qui dépassent souvent la réalité présente de la relation.
Comme l'observe Boris Cyrulnik: « Les grandes souffrances qui peuvent délabrer à jamais une vie affective ne se rencontrent que chez ceux qui connaissent la passion. »
Combien de personnes s'efforcent de maintenir cette identification à tout prix, alors même que leurs sentiments ont évolué? Combien subissent des situations douloureuses sous prétexte qu'ils sont parents, enfants, conjoints? Combien restent identifiés à des choix passés qui ne correspondent plus à leur réalité intérieure actuelle?
Cette identification affective se traduit corporellement par des schémas de tension caractéristiques, particulièrement dans les zones associées aux émotions – diaphragme, poitrine, gorge – créant des restrictions dans la respiration et la mobilité qui reflètent ces attachements identitaires.
3. L'identification par le mental: la prison des concepts
En quittant l'enfance, vous avez adhéré à certains principes et pris des décisions qui ont orienté vos choix. Ces choix vous ont conduit à vivre des expériences que votre mental a interprétées comme positives ou négatives.
Au fil du temps, les résultats de ces expériences se sont accumulés dans les "archives" de votre mental, formant une identité cognitive. Cette identité détermine votre façon de prendre des décisions et d'appréhender le monde.
Vous vous êtes peut-être identifié à vos études ou à leur absence, à votre catégorie socio-professionnelle, à diverses communautés – religieuses, sportives, artistiques. Vous fréquentez certains types de personnes dans certains environnements. Vous les identifiez par leur style de vie, leur apparence, et vous partagez les mêmes codes.
Votre identité mentale dérive de vos connaissances, de vos apprentissages, de vos croyances forgées par votre éducation et les cultures que vous avez côtoyées. Vous êtes le produit de codes sociaux spécifiques qui, bien que totalement extérieurs à votre essence, semblent définir qui vous "êtes".
Dans le corps, cette identification mentale se manifeste souvent par une déconnexion entre la tête et le reste du corps – comme si l'identification aux concepts créait une rupture dans l'unité corporelle, privilégiant le cerveau au détriment de l'intelligence globale du corps.
4. L'identification par influence: la prison du conformisme
Finalement, pour préserver votre tranquillité, éviter les conflits et continuer à vous sentir accepté, vous vous conformez généralement à cette identité construite au fil des années.
Cette identité composite provient de multiples sources externes: le regard de votre famille sur vous, les attentes de vos proches, les valeurs de votre milieu professionnel. Maintenir cette identité acquise signifie ne pas décevoir, rester fidèle à des engagements parfois pris des décennies auparavant, vous accrocher à vos diplômes durement gagnés et à vos expériences passées, qu'elles aient été heureuses ou non.
Cette forme d'identité, acquise sous l'influence des événements extérieurs, du regard d'autrui et des normes sociales, vous impose des rails prédéfinis à suivre sans possibilité de déviation. Tant que vous y trouvez une certaine satisfaction, l'illusion fonctionne.
Tôt ou tard cependant, une partie de vous – votre essence véritable – ne trouve plus de sens dans ce jeu de rôles et aspire à davantage d'authenticité. C'est alors que survient ce sentiment de vide existentiel caractéristique.
Pour échapper à cette ornière, il devient nécessaire de vous libérer de cette identité acquise pour accéder à votre véritable nature – ce que nous appelons l'identification au Soi.
Dans ma pratique thérapeutique, cette transition se manifeste corporellement par un processus caractéristique: d'abord une prise de conscience des tensions liées aux identifications restrictives, puis un relâchement progressif de ces tensions, ouvrant la voie à une expression corporelle plus authentique et plus libre.
L'identification au Soi: retrouver votre essence véritable
Les identifications successives que nous venons d'explorer – par sens commun, par affect, par conditionnement mental et par influence sociale – vous enferment dans un rôle figé. Tels un comédien contraint de jouer indéfiniment le même personnage, vous vous sentez tenu de maintenir cette identité composite tout au long de votre vie.
Est-ce vraiment vous? Évidemment non, puisqu'il s'agit d'une identité acquise, construite à partir d'éléments extérieurs à votre essence. C'est précisément la raison pour laquelle cette identification devient tôt ou tard source de souffrance.
L'identification au Soi représente une démarche radicalement différente: il s'agit de reconnaître et d'embrasser une identité qui émerge des profondeurs de votre être, sans lien avec les circonstances extérieures. Cette identité ne dépend pas d'une chronologie d'événements ou d'apprentissages, mais d'un choix intérieur fondamental.
Cette identification authentique commence par un "JE SUIS" qui semble venir de nulle part – un "JE SUIS" qui vous inspire et vous remplit d'une joie profonde. C'est une identité intuitive, inspirée par votre Soi supérieur – cette dimension de vous-même qui existe au-delà des limites apparentes de votre personnalité, votre essence véritable dans des dimensions plus subtiles.
"Qui vous êtes vraiment" transcende complètement vos conditionnements culturels, vos diplômes, vos relations passées ou vos engagements contractuels. Votre essence authentique attend que vous la reconnaissiez afin de pouvoir enfin s'exprimer pleinement et apporter au monde ce qu'elle est venue y manifester à travers vous. Cette essence constitue votre véritable identité – ce que l'on appelle parfois votre "lumière" ou vos codes uniques de fonctionnement – qui vous connecte à la joie d'être pleinement vous-même, en possession de vos talents de créateur incarné.
La kinésithérapie psycho-corporelle offre une voie particulièrement directe vers cette reconnexion, car le corps ne ment jamais. Lorsque nous commençons à nous identifier à notre essence véritable, le corps répond immédiatement par un relâchement des tensions chroniques, une respiration plus profonde et une posture plus ouverte – signes physiques d'un retour à notre nature authentique.
Le processus de libération: du rôle à l'essence
Abandonner l'identité acquise signifie quitter le mode survie. Cela implique de lâcher vos rôles pour vivre dans la transparence et la clarté de qui vous êtes véritablement. Cela signifie cesser de vous définir en fonction du regard des autres, des traditions de votre lignée, ou de l'idée que vous appartenez à vos proches ou qu'ils vous appartiennent.
Ce processus de libération vous invite également à arrêter de chercher à contrôler le regard et les jugements d'autrui. Il s'agit de tracer votre propre chemin en pleine liberté, sans vous soumettre aux archives de votre mental ou aux programmes préfabriqués que vous propose la société.
La clé de cette transformation réside dans le lâcher-prise: abandonner tout ce que vous croyiez être, défaire les chaînes de causalité linéaire qui vous ont fait croire que vous êtes simplement le résultat de votre histoire personnelle. Il s'agit de renoncer à ce que vous considériez comme acquis pour vous tourner vers ce que vous ne vous étiez jamais autorisé à être jusqu'à présent.
Une approche pratique de l'identification au Soi
Ce processus peut commencer très simplement, par exemple en déclarant: "JE SUIS une personne souriante et agréable". L'étape cruciale consiste alors à vivre comme si vous étiez déjà cette personne – à être souriant et agréable du matin au soir, quelles que soient les circonstances. Et progressivement, vous le deviendrez effectivement.
En kinésithérapie psycho-corporelle, nous travaillons simultanément sur cette intention consciente et sur les manifestations corporelles qui l'accompagnent – comment le corps exprime naturellement cette qualité d'être que vous choisissez d'incarner.
À mesure que vous progressez dans cette démarche, vous pouvez choisir des aspects plus spécifiques de votre identité véritable. Par exemple, si vous travaillez actuellement dans un bureau mais ressentez profondément que le yoga correspond à votre essence, vous pourriez décider intérieurement: "JE SUIS un professeur de yoga reconnu et recherché pour ses compétences".
En vivant comme si cette identité était déjà votre réalité, vous constaterez que l'univers commence à s'aligner avec cette affirmation intérieure. Des opportunités d'explorer le yoga apparaîtront naturellement, d'abord peut-être comme débutant, puis de façon de plus en plus approfondie. Progressivement, toute votre vie s'orientera dans cette direction – votre alimentation, vos lectures, vos vêtements, vos relations – jusqu'à ce que cette identité choisie devienne votre réalité manifeste.
Peu à peu, de décision en décision, d'affirmation "JE SUIS" en affirmation "JE SUIS", vous construirez une existence qui reflète authentiquement votre essence profonde, libérée des codes imposés par les conventions sociales et les limitations apparentes.
C'est cela, l'identification au Soi: créer dans votre réalité quotidienne l'identité qui fait vibrer votre être intérieur, en abandonnant cette fausse identité acquise qui vous maintient dans une forme de servitude et de dépendance aux autres et à un rôle qui n'est pas le vôtre.
Les manifestations corporelles de la transformation identitaire
Dans ma pratique de kinésithérapie psycho-corporelle, ce processus de transformation identitaire se manifeste par des changements physiques remarquables:
Les personnes qui commencent à s'identifier à leur essence véritable plutôt qu'à leurs rôles acquis présentent une posture plus ouverte, comme si le corps lui-même se libérait de contraintes invisibles
La respiration devient naturellement plus profonde et plus fluide
Les tensions chroniques, particulièrement dans les zones du cou, des épaules et du bas du dos – souvent liées au "port" de fausses identités – commencent à se dissoudre
Le visage exprime une plus grande authenticité, avec moins de "masques" faciaux liés aux rôles sociaux
La voix change, devenant plus résonnante et moins contrôlée
Les mouvements gagnent en fluidité et en spontanéité
Ces transformations corporelles ne sont pas de simples effets secondaires – elles constituent des manifestations directes du changement d'identification et deviennent à leur tour des catalyseurs du processus de libération.
Conclusion: choisir entre survie et plénitude
L'identité acquise vous enferme dans un mode de survie limité, tandis que l'identité émanant du Soi balaye le factice et l'inutile. Bien que ce processus soit exigeant – car il implique de défaire des habitudes et des programmations profondément ancrées – il vous apporte une liberté d'être, une joie profonde et une richesse d'expérience incomparables.
Cette voie authentique est également celle qui mène à la pleine vitalité et à la santé véritable, car le corps se libère des tensions liées au maintien d'identités artificielles.
Certes, c'est un chemin qui demande courage et détermination, qui n'accepte aucune complaisance envers soi-même ou les autres. Mais c'est la voie de l'Amour véritable de Soi, de la vie pleinement incarnée. Il s'agit de l'Amour juste qui tranche avec clarté, bien différent de l'amour mielleux et sirupeux qui nous maintient endormis dans les méandres de la survie humaine sous couvert de bons sentiments.
La kinésithérapie psycho-corporelle offre un accompagnement précieux dans ce processus, en travaillant simultanément sur les dimensions physiques, émotionnelles et énergétiques de cette transformation identitaire. Le corps devient alors non seulement le révélateur de nos identifications limitantes, mais aussi le véhicule privilégié de notre libération.
Cet article explore le processus de transformation de l'identité acquise vers l'identification au Soi authentique. La kinésithérapie psycho-corporelle propose une approche intégrative qui facilite cette transition en travaillant simultanément sur le corps et la conscience.
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